La fermeture du site le 5 août dernier pour deux semaines a été une décision collective prise par toute l’équipe de Transfert, face aux conséquences néfastes de la mise en œuvre du passe sanitaire : application d’une réglementation provoquant une baisse indiscutable de notre fréquentation, dans un contexte d’inégalité entre les lieux recevant du public. Poursuivre nos activités avec un public quasi absent mettait tout le projet en difficulté, pour les équipes comme pour les artistes et intervenants·es. C’est pourquoi nous avons choisi de stopper temporairement les activités grand public, afin d’envisager plus sereinement la situation et de laisser les instances de la République réguler la situation (entre-temps, le Conseil constitutionnel s’est prononcé en faveur de l’application du passe pour tous les lieux et la loi a été promulguée). Pendant cette période, l’équipe a travaillé au report des activités et spectacles prévus, et les activités d’accueils de groupes en journée ou de résidences d’artistes ont été maintenues.
Aujourd’hui, le passe sanitaire est obligatoire dans tous les établissements recevant du public, fermés ou de plein air, culturels, sportifs ou autres, quelle qu’en soit la jauge. Tous les lieux sont visés, ce qui n’était pas le cas jusque là, où seuls les lieux culturels accueillant plus de 50 personnes étaient concernés. C’est pourquoi nous avons maintenu notre décision de réouvrir le 19 août et de reprendre nos activités publiques dans les conditions imposées par la réglementation, considérant que l’ouverture reste la plus belle des choses à faire.
Cette décision n’enlève rien à notre intime conviction : l’application du passe sanitaire est selon nous incompatible avec les valeurs d’accessibilité et de respect des droits culturels. Les dernières études le montrent1 ; la question de la (non)vaccination dépasse largement le débat des libertés individuelles vs l’intérêt commun. Sur le territoire local comme national, l’accès aux soins ou à l’information n’est pas égal pour tous. Rupture sociale, fracture numérique, pauvreté et précarité, éloignement des services publics sont autant de facteurs aggravants. La conséquence ? De nombreuses personnes ne sont pas en mesure de présenter un passe sanitaire dans les délais imposés par le Gouvernement ; ce qui a pour effet collatéral de mettre à mal la diversité des publics dans nos lieux.
De plus, nous constatons le caractère discriminatoire du passe sanitaire. En effet, avec ou sans ce document, une personne est autorisée ou interdite d’accès à certains lieux et services. Or, la loi du 12 juillet 1990 considère que toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur état de santé constitue une discrimination2. L’état d’urgence promulgué en France permet certes d’outrepasser certaines législations, mais il n’en demeure pas moins que la question de la discrimination selon l’état de santé des personnes se pose pleinement aujourd’hui.
Pour autant, nous considérons qu’une fermeture durable comme acte de refus d’application du passe sanitaire n’est pas la solution. Nous porterons nos engagements dans un lieu ouvert, pour défendre la diversité et le respect des publics qui sont des valeurs fortes chez Pick Up Production. Nous continuerons notre plaidoyer dans ce contexte complexe, où la polarisation des prises de paroles rend quasi impossibles certains débats.
Ne lâchons rien, l’ouverture de Transfert est aussi une possibilité, pour les artistes et les intervenants·es, pour le public : un espace de prise de parole, un acte d’engagement !
Nous sommes heureux·ses de vous accueillir à nouveau, avec une belle programmation et des activités pour toutes et tous.
L’équipe de Pick Up Production
1 Voir notamment l’étude du géographe Emmanuel Vigneron sur l’accès à la vaccination sur le territoire national
2 Article 225-1 du code pénal issu de la loi du 12 juillet 1990